(*en écho à cette discussion)

« Pour définir la sophia, les interprètes modernes hésitent toujours entre la notion de savoir et celle de sagesse.  Celui qui est sophos est-il celui qui sait beaucoup de choses, qui a vu beaucoup de choses, qui a beaucoup voyagé, qui a une culture encyclopédique, ou bien est-ce celui qui sait bien se conduire dans la vie, et qui est dans le bonheur ?  Nous aurons à le répéter souvent tout au cours de cet ouvrage, les deux notions sont loin de s’exclure […] »

– Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique?, Gallimard, Folio essais, page 39.

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« Ce que les philosophes ont le moins retenu du modèle du Socrate du Banquet, c’est son ironie et son humour, auquel fait écho le Socrate dansant du Banquet de Xénophon.  Ils se sont traditionnellement privés de ce dont ils auraient eu le plus besoin. »

– Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique?, Gallimard, Folio essais, page 85

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« Aristote affirme fortement que le savoir le plus haut est celui qui est choisi pour lui-même, donc apparemment sans aucun rapport avec le mode de vie de celui qui sait.  Pourtant, cette affirmation doit être replacée dans le cadre général de la représentation qu’Aristote se fait des modes de vie et qui se révèle dans le but qu’il assigne à l’école qu’il fonde. [←page 124 … page 139→]  Lorsque Aristote fait un cours, il ne s’agit pas, comme l’a très bien dit R. Bodéüs «d’un « cours » au sens moderne du terme, cours auquel assisteraient des élèves préoccupés de noter la pensée du maître […]»  Il ne s’agit pas d’«informer» […] mais «de les former», et il s’agit aussi de mener une recherche commune : c’est cela la vie théorétique.  Aristote attend de ses auditeurs une discussion, une réaction, un jugement, une critique. »

– Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique?, Gallimard, Folio essais, pages 124 et 139.

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« Je ne veux pas dire évidemment que la philosophie soit déterminée par un choix aveugle et arbitraire, mais je veux dire plutôt qu’il y a un primat de la raison pratique sur la raison théorique : la réflexion philosophique est motivée et dirigée par «ce qui intéresse la raison», comme le disait Kant, c’est-à-dire par le choix d’un mode de vie.  Je dirais avec Plotin : «c’est le désir qui engendre la pensée.»  Mais il y a une sorte d’interaction ou de causalité réciproque entre volonté et intelligence […]  Volonté et réflexion sont inséparables. »

– Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique?, Gallimard, Folio essais, pages 410-411.

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« Vue de cette manière, la pratique de la philosophie dépasse donc les oppositions des philosophies particulières.  Elle est essentiellement un effort pour prendre conscience de nous-mêmes, de notre être-au-monde, de notre être-avec-autrui, un effort aussi pour «réapprendre à voir le monde», comme le disait Merleau-Ponty, pour atteindre aussi à une vision universelle, grâce à laquelle nous pourrons nous mettre à la place des autres et dépasser notre propre partialité. »

– Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique?, Gallimard, Folio essais, pages 415.