« Ce qui semble être le silence des intellectuels ou leur absence des débats s’explique peut-être en partie par le mépris qu’ils affichent à l’égard de leur propre société, mais aussi par l’importance accrue des spécialistes, le fantasme de l’intellectuel étranger, la cote de rayonnement médiatique et le rétrécissement de l’espace de délibération publique.  Il s’agit d’autres causes importantes qui expliquent ce qui se passe.

En fin de compte, la question se pose de savoir quelle est la place de l’intellectuel dans la Cité.  Je répondrais en quelques mots que dans le contexte d’une gouvernance politique de plus en plus complexe et face à une multitude d’enjeux planétaires, il faut que des citoyens mieux informés interviennent sur la place publique pour aider leurs compatriotes à se faire une opinion.  L’intellectuel peut se faire l’avocat d’une cause qui risquerait d’être oubliée ou d’être oblitérée par les pouvoirs publics et les médias.  Il peut être l’initiateur de débats au sein de la société civile.  Dans tous les cas, il offre un son de cloche additionnel qui favorise la démocratie délibérative et améliore le degré d’éducation civique des citoyens.  Le problème est qu’il lui manque un médium lui appartenant en propre.  Mais avec l’apparition des réseaux Internet, des sites Web et des blogs, il se pourrait qu’il ait enfin trouvé sa niche. »

Michel Seymour, Profession : Philosophe, pages 65-66 (PUM – vient de paraître)